Analyses & Studies
Lettre Ă©conomique d'AEOI - Le secteur de l'assainissement
Rédigé par SER de Nairobi et SE de l'AEOI ⹠Publié le 09 juin 2023
Retrouvez chaque mois cette lettre des actualités économiques, préparée par le service économique régional de Nairobi, les services économiques d'Addis-Abeba, Tananarive, Dar Es Salam, Kampala et Khartoum, et les Ambassades de France au Rwanda et à Djibouti.
LâaccĂšs Ă lâassainissement sâamĂ©liore en AEOI depuis les annĂ©es 2000, mais reste faible. En 2020, seul 24,7 % de la population de la rĂ©gion avait accĂšs Ă des services basiques dâassainissement. Si les gouvernements dĂ©fendent des objectifs dâaccĂšs universel ambitieux, les budgets allouĂ©s au secteur sont faibles. MalgrĂ© le soutien des bailleurs, le secteur reste sous financĂ© et en recherche dâun modĂšle institutionnel et Ă©conomique efficace. Les opportunitĂ©s pour le secteur privĂ© français existent, concentrĂ©es essentiellement sur les activitĂ©s de consultance ou la rĂ©alisation dâouvrages Ă haute technicitĂ©.
Un accĂšs aux services basiques dâassainissement en augmentation, mais qui reste faible
LâaccĂšs Ă des services basiques dâassainissement dans la rĂ©gion AEOI a connu une amĂ©lioration - bien quâĂ©tant toujours relativement faible â au cours des 20 derniĂšres annĂ©es. Le taux dâaccĂšs est passĂ© de 15,3 % de la population dâAEOI en 2000 Ă 24,7 % en 2020. Sur la mĂȘme pĂ©riode, le recours Ă la dĂ©fĂ©cation Ă lâair libre a Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duit sous lâimpulsions de politiques nationales ambitieuses, passant de 40,4 % de la population en 2000 Ă 16,6 % en 2020, soit toujours prĂšs de 66 millions de personnes. Deux pays se dĂ©marquent par un accĂšs universel Ă des services basiques dâassainissement : les Seychelles et Maurice. Tandis que les taux dâaccĂšs les plus faibles sont Ă noter en Ethiopie (8,9 %), en ErythrĂ©e (11,9 %), Ă Madagascar (12,3 %) et au Soudan du Sud (15,5 %). Si les disparitĂ©s entre pays sont importantes, elles sont particuliĂšrement notables entre les zones rurales et urbaines dans lâensemble des pays de la rĂ©gion. A titre dâillustration, en Tanzanie le taux dâaccĂšs Ă des services basiques sâĂ©lĂšve en zone urbaine et rurale Ă respectivement Ă 47,3 % et 23,3 %.
Le manque dâaccĂšs Ă des services dâassainissement est Ă lâorigine dâimportantes consĂ©quences en matiĂšre de santĂ© publique. Dans certains pays de la rĂ©gion, le taux de mortalitĂ© attribuĂ© au manque d'accĂšs sĂ©curisĂ© Ă l'eau, l'assainissement et au manque d'hygiĂšne reste Ă©levĂ© (Figure 2), notamment en Somalie (86,6 pour 100 000 hab), au Burundi (65,4) ou au Soudan du Sud (63,3). En outre, sont Ă relever des consĂ©quences sur lâenvironnement, par le rejet des eaux non-traitĂ©es qui peuvent contaminer les sources dâeau ouvertes ou rĂ©serves dâeau souterraines. Ces dĂ©gradations environnementales et sanitaires peuvent Ă©galement gĂ©nĂ©rer des impacts Ă©conomiques non-nĂ©gligeables. La dĂ©gradation des sources dâeau douce en Ouganda menace le secteur de la pĂȘche du pays, qui reprĂ©sente la 3Ăšme source de devises et emploie directement ou indirectement 5,3 millions de personnes. Le coĂ»t de lâinaction en matiĂšre dâassainissement peut ainsi sâavĂ©rer particuliĂšrement Ă©levĂ© : il avait par exemple Ă©tĂ© estimĂ© Ă 177 MUSD en Ouganda.
Une priorité politique non matérialisée dans les budgets et investissements
A lâexception des Ăźles de lâOcĂ©an Indien ayant dĂ©jĂ atteint lâaccĂšs universel Ă des services basiques dâassainissement (Seychelles, Maurice), de nombreux pays dĂ©fendent cet objectif Ă moyen terme : 2024 pour le Rwanda, 2030 pour le Kenya ou lâEthiopie ou encore 2035 pour Djibouti. Des efforts particuliers ont Ă©tĂ© concentrĂ©s sur lâĂ©radication du recours Ă la dĂ©fĂ©cation Ă lâair libre, avec des objectifs ambitieux au Burundi, au Kenya ou en Somalie. Des initiatives poussĂ©es au niveau national, via une approche communautaire forte ont Ă©tĂ© mises en Ćuvre dans plusieurs pays (ErythrĂ©e, Burundi) pour favoriser lâaccĂšs aux services dâassainissement.
En dĂ©pit des ambitions affichĂ©es par une majoritĂ© de gouvernements de la rĂ©gion, le secteur de lâassainissement demeure sous-financĂ©. Les budgets nationaux dĂ©diĂ©s sont faibles, et insuffisants pour couvrir les investissements nĂ©cessaires Ă lâatteinte des objectifs voire pour simplement rĂ©pondre Ă la croissance dĂ©mographique Ă taux dâaccĂšs constant. Dans lâensemble de la rĂ©gion, les rĂ©alisations en matiĂšre dâassainissement ont Ă©tĂ© infĂ©rieures aux objectifs, car les arbitrages financiers (rendus en cas de difficultĂ© budgĂ©taire) se font le plus souvent en faveur de lâaccĂšs Ă lâeau potable au dĂ©triment de la composante assainissement des projets. La gouvernance du secteur est par ailleurs compliquĂ©e par son degrĂ© de fragmentation, au niveau national entre les ministĂšres en charge de lâeau et de la santĂ©, ou avec les autoritĂ©s locales.
Pour faire face au dĂ©fi du financement des infrastructures dans le secteur, plusieurs gouvernements souhaitent dĂ©velopper les Partenariats Public â PrivĂ© (PPP), Ă lâinstar du Kenya, de la Tanzanie ou du Burundi. Aucun projet nâa cependant vu le jour faute de cadre rĂšglementaire adaptĂ© et dâun modĂšle de financement et de garanties suffisamment attractif pour les investisseurs, le secteur Ă©tant structurellement non-rentable. A minima, le secteur privĂ© peut apporter une expertise sur le segment de lâopĂ©ration des stations de traitements en incluant une pĂ©riode dâopĂ©ration dans les contrats de construction, permettant ainsi dâoptimiser lâensemble du projet. Ainsi,en avril 2023, lâAutoritĂ© de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement de Dar es Salam (DAWASA) a attribuĂ© Ă Metito, sociĂ©tĂ© de gestion de l'eau basĂ©e Ă DubaĂŻ, le contrat de conception, de construction et d'exploitation (DBO) d'une nouvelle usine de traitement des eaux usĂ©es dâune capacitĂ© de 6 000 m3/j Ă Dar es Salaam.
Une implication des bailleurs essentielle pour le financement du secteur
Dans ce contexte de financement public insuffisant, les bailleurs sont des acteurs essentiels au dĂ©veloppement du secteur et au renforcement de lâaccĂšs aux services dâassainissement. La composante assainissement Ă©tant de plus en plus rĂ©guliĂšrement intĂ©grĂ© aux projets dans le secteur de lâeau, dans une approche intĂ©grĂ©e de protection des ressources en eau et de dĂ©veloppement urbain durable. Plusieurs bailleurs actifs dans le financement des infrastructures dâassainissement : USAID, BEI, KfW. LâUNICEF â active entre autres en Somalie, Sud-Soudan et Burundi â joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans la construction dâinfrastructures de base et lâappui aux initiatives communautaires, en zones rurales notamment. Une approche coordonnĂ©e entre assainissement et drainage des eaux pluviales (storm water) est Ă©galement favorisĂ©e par plusieurs bailleurs dans les villes les plus sujettes Ă des pluies importantes et soudaines (Kigali, Antanarivo notamment), cette approche permet de mieux dimensionner les systĂšmes dâassainissement, de limiter les rejets dâeaux polluĂ©s dans lâenvironnement et dâapporter plus de rĂ©silience aux habitations et infrastructures de transport.
En outre, la France est un bailleur important et soutient le dĂ©veloppement du secteur. Sâagissant de lâAgence française de dĂ©veloppement (AFD), cette derniĂšre est engagĂ©e dans la lutte contre la pollution du lac Victoria : elle a allouĂ© plus de 950 MEUR dans les secteurs de lâeau et de lâassainissement entre 2011 et 2021 en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie. Elle est Ă©galement active dans la Corne de lâAfrique (Djibouti, Ethiopie) et dans lâOcĂ©an Indien (Madagascar, Seychelles). Le TrĂ©sor français contribue Ă©galement au financement de projets liĂ©s au secteur. Au Rwanda par exemple, un projet est financĂ© par la facilitĂ© FASEP pour une Ă©tude de faisabilitĂ© et de design du systĂšme dâassainissement du district de Kicukiro. A Madagascar, un projet de dĂ©monstrateur reposant sur un systĂšme vĂ©gĂ©talisĂ© innovant dâassainissement des eaux usĂ©es, portĂ© par Artelia et lâentreprise Ecobird a Ă©galement Ă©tĂ© financĂ© par un FASEP.
Les opportunitĂ©s pour les entreprises françaises restent essentiellement restreintes Ă certains segments et sont particuliĂšrement dĂ©pendantes des projets des bailleurs, malgrĂ© lâexpertise française disponible. Le secteur des Ă©tudes et de la consultance semble le plus porteur, avec une prĂ©sence de plusieurs bureaux dâĂ©tudes disposant dâune expertise (BRLi, Urbaconsulting, Hydroconseil, Setec, Egis, Biotope, Seureca). Les entreprises françaises peuvent Ă©galement se positionner sur des ouvrages qui requiĂšrent un degrĂ© de technicitĂ© (stations de traitement avec fortes composantes technologiques, notamment si inclusion de composantes dâopĂ©ration), tandis que les marchĂ©s de construction, de pose de canalisations ou de fourniture de composantes Ă faible valeur ajoutĂ©e seront habituellement moins favorables car les entreprises chinoises sont trĂšs prĂ©sentes et compĂ©titives sur ce segment, en particulier en Afrique de lâEst. A noter toutefois que les entreprises de gĂ©nie civil Colas et Sogea-Satom sont actives Ă Madagascar.
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